PROCèS DE DONALD TRUMP : UN PATRON DE PRESSE RéVèLE LES STRATAGèMES POUR éTOUFFER LES SCANDALES

Lors du deuxième jour du procès pénal de Donald Trump dans l’affaire Stormy Daniels, David Pecker, ancien patron du tabloïd américain National Enquirer, a révélé qu'il avait acheté des informations sensibles concernant l'ancien président dans le but de les garder confidentielles. L'objectif était de protéger le candidat républicain lors de la campagne pour la présidentielle de 2016.  

"Les yeux et les oreilles" de Donald Trump. C’est ainsi que s’est définit David Pecker, premier témoin appelé à la barre au procès pénal de l’ancien président américain. Devant le tribunal de New York, cet ex-dirigeant du tabloïd National Enquirer a dévoilé, mardi 23 avril, comment il s’était engagé à servir la campagne du candidat républicain en 2016, affirmant avoir discuté de ce stratagème en la présence de Donald Trump.  

Un témoignage crucial pour l'accusation, qui veut condamner Donald Trump pour dissimulation du paiement de 130 000 dollars à Stormy Daniels, de son vrai nom Stephanie Clifford. Cette ancienne star de films X assure avoir entretenu une relation extraconjugale avec le milliardaire en 2006 – ce que l’intéressé dément – et avoir reçu ce paiement avant l’élection présidentielle de 2016 pour garder le silence.  

David Pecker était impliqué dans ce type de négociations, connues sous le nom de "catch and kill" ("attraper et tuer", en français). À la barre, l’ancien proche de Donald Trump a expliqué comment son tabloïd a servi les intérêts de l’ex-président : en transformant des rumeurs en gros titres racoleurs visant à nuire à ses rivaux, mais aussi en dissimulant des informations compromettantes pour protéger le candidat républicain. 

Publier "des articles positifs sur Trump" 

Les deux hommes se sont rencontrés au cours des années 1980 dans la résidence de Donald Trump à Mar-a-Lago, en Floride, a raconté le patron de presse à la barre. Il a acquis The National Enquirer en 1999, une publication qui profite ensuite du succès de l'émission de télé-réalité "The Apprentice" animée par Donald Trump. 

Lorsque le milliardaire a annoncé sa candidature aux primaires républicaines en 2015, leurs liens se sont ressérrés. Michael Cohen, avocat et homme de confiance de Donald Trump, a alors servi d'intermédiaire entre les deux hommes. Le 16 juin 2015, jour de l'annonce de candidature à la Trump Tower, David Pecker était parmi les invités. 

Lors de son témoignage devant le tribunal, David Pecker a été interrogé sur une réunion cruciale qui s'est tenue, en août 2015, à la Trump Tower à New York, en présence de Donald Trump, de Michael Cohen et de sa conseillère Hope Hicks. "Ils m'ont demandé ce que je pouvais faire, ce que mes magazines pouvaient faire pour aider sa campagne (...). J'ai dit que je publierai des articles positifs sur Trump et des articles négatifs sur ses adversaires", raconte Michael Pecker aux jurés.  

Il précise qu’il leur a promis d’être ses "yeux et ses oreilles" et de réagir à toute rumeur "sur des femmes vendant des histoires " à son sujet, parce que le candidat de l'époque "était bien connu comme le célibataire le plus éligible", selon ses dires, bien qu'il ait épousé sa troisième femme, Melania, en 2005. 

Pendant l’audience, les procureurs ont diffusé une capture d’écran montrant plusieurs titres flatteurs publiés par le National Enquirer tels que "Donald domine !" et "Exclusivité mondiale : le Donald Trump que personne ne connaît". De son côté, David Pecker a décrit Michael Cohen comme un architecte fantôme derrière la couverture pro-Trump du tabloïd, lui dictant de s’attaquer aux autres candidatures républicaines qui prenaient de l’ampleur. 

Acheter le silence 

Selon les déclarations de David Pecker, Michael Cohen l’appelait pour le diriger, ainsi que  Dylan Howard, rédacteur en chef du tabloïd de l'époque. Il disait "sur quel candidat et dans quelle direction nous devrions aller". En mars 2016, le tabloïd a par exemple publié des articles liant faussement le père de Ted Cruz, rival républicain de Donald Trump, à l'assassinat du président John F. Kennedy

Cet accord "hautement confidentiel", comme l'a décrit David Pecker, a également permis à Donald Trump d'être protégé. Lorsqu'il découvre qu'un portier de la Trump Tower "(vend) une histoire d'enfant illégitime" de Donald Trump, David Pecker est entré en action. "J'ai immédiatement appelé Michael Cohen". Même si elle manquait de crédibilité, cette information "exclusive " a été acquise pour 30 000 dollars auprès du portier afin qu’il taise l'histoire, une somme trois fois plus élevée que le tarif habituel pour une célébrité classique.

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"J'ai pris la décision d'acheter l'histoire en raison de l'embarras potentiel qu'elle représentait pour la campagne et pour Donald Trump", a déclaré David Pecker à la barre. Si l’histoire était vraie, il prévoyait de la publier "après l'élection", a-t-il précisé, car "cela aurait probablement été la plus grosse vente du National Enquirer depuis la mort d'Elvis Presley."

En 2016, David Pecker apprend que Karen McDougal, une ancienne mannequin du magazine Playboy, s'apprête à révéler sa liaison avec Donald Trump, qui aurait duré un an, dix ans plus tôt. Après plusieurs échanges avec Michael Cohen, David Pecker discute de la situation avec Donald Trump lui-même. Selon son récit, il lui aurait conseillé d'acheter l'histoire, ce qu’il a refusé. "Il a dit qu'à chaque fois que l'on fait quelque chose de ce genre, cela finit toujours par se savoir", a relaté Michael Pecker. Bien que ce scoop ait été étouffé dès le départ, 150 000 dollars ont été versés à l'ancienne mannequin de Playboy pour qu’elle taise son récit.

Dépense de campagne illégale 

Aux yeux de l’accusation, ces incidents sont cruciaux pour démontrer l’existence d’un stratagème visant à étouffer tout scandale. Au total, Donald Trump est poursuivi pour 34 chefs de falsification de documents comptables de son groupe d’entreprises, la Trump Organization, dans le but de dissimuler les paiements à Stormy Daniels.

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L'avocat de Donald Trump, Todd Blanche, a insisté sur la légalité des paiements. Il a souligné qu'il s'agissait du fonctionnement normal d'une "démocratie", rejetant ainsi l'idée d'un complot. Si de tels paiements ne sont pas illégaux en soi, l’accord passé avec Stormy Daniels pourrait correspondre à une dépense de campagne. Or, la somme n'apparaît pas dans les comptes du candidat. Le procureur devra démontrer que cette dépense, déguisée en frais d'avocat, avait pour but d'aider Donald Trump à remporter l'élection présidentielle de 2016 contre Hillary Clinton.

Mardi, le tribunal a également examiné la possibilité de sanctions contre l’ancien président pour outrage, en raison de ses attaques répétées contre des témoins et des jurés sur les réseaux sociaux. Les procureurs ont demandé des amendes maximales de 1 000 dollars par publication incriminée et ont rappelé à Donald Trump qu'une incarcération reste une “option si nécessaire”. Le juge n'a pas encore rendu sa décision. De son côté, David Pecker reprendra son témoignage jeudi. Il s'apprête à plonger dans le vif du sujet avec l'affaire Stormy Daniels.

Avec agences 

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